Des doigts abîmés. [PV Knota]

Samedi matin. Dans l’un des dortoirs de la maison de Salazar, une masse féminine émergea brusquement du sommeil, sentant sa baguette vibrer contre son ventre. Un son, à mi-chemin entre le sifflement et le grondement s’échappa de ses lèvres tandis que Kaya – car c’était bien elle – jetait le bout de bois sans ménagement hors de son lit. Que l’objet la réveillât n’était pas une chose inhabituelle en soi, au contraire. Il y a quelques années de cela, en parcourant les allées de la bibliothèque – une fois n’est pas coutume -, elle avait déniché dans un livre une formule permettant de régler sa baguette comme un réveil, le bruit en moins évidemment. Ce qui l’arrangeait puisqu’elle lui permettait de faire d’une pierre deux coups : éviter la traditionnelle sonnerie stridente du réveil et rabattre par la même occasion le caquet de ses camarades de chambre qui se plaignaient justement de la dite sonnerie. Non, ce qui l’agaçait c’était plutôt le fait d’avoir oublié sa baguette sous elle, au lieu de la place qui lui était normalement attribuée, c’est-à-dire sous son oreiller. Et la sentir vibrée contre son estomac était loin d’être une sensation agréable, soyez en sûr.

Écartant machinalement les cheveux qui lui obstruaient la vue, la jeune fille tira les rideaux de son lit et découvrit avec une pointe d’agacement qu’il n’y avait toujours pas de beau temps à l’horizon. Depuis la rentrée, soit une semaine entière. Peut-être que Merlin lui en voulait pour tout ce qu’elle avait dit sur ces imbéciles de Poufsouffle… Pourtant elle n’avait fait qu'énoncer la stricte vérité ; Donel, Bloom et Socker étaient réellement trop bruyants et faisaient preuve d’un mauvais goût évident en matière de style vestimentaire. Elle au moins savait s’habiller avec classe et profiter du silence, contrairement à eux. Bref. Sur ces entre faits, l’adolescente adressa une caresse à Kishi, couchée au pied de son lit, et partit occuper la salle de bains avant que l’une des bécasses n’ait la brillante idée de se réveiller et de lui prendre la place.

Ce fut trente minutes plus tard que Kaya quitta les cachots des Serpentards, vêtue d’un chemisier gris anthracite et d’une jupe plissée noire – quasi semblable à celle de son uniforme -, sa baguette qu’elle avait récupérée coincée dans une de ses bottes. Elle gravit les escaliers jusqu’au septième étage, et se faisant, passa et repassa trois fois devant un pan de mur afin qu’apparaisse la salle sur demande. Ce ne fut qu’une fois qu’elle eut refermé la porte et aperçut le piano trônant au centre de la pièce que les traits de son visage se détendirent. C’était là un instrument qu’elle affectionnait particulièrement, et dont sa mère avait souvent joué durant sa jeunesse. Elle s’installa devant, souleva délicatement le clapet et laissa enfin ses doigts parcourir les touches, créant ainsi les mélodies qu’elle aimait tant. Cependant, trop concentrée alors qu’elle entamait un morceau assez difficile, elle ne vit pas le clapet vaciller et lâcha un cri de douleur lorsqu’il se referma brutalement sur ses doigts. « Quelle idiote mais quelle idiote ! » se fustigea-t-elle mentalement en retirant avec un gémissement ses doigts désormais rouges et gonflés d’entre le clapet et les touches. Elle n’eut pas à se décider très longtemps. Jetant un regard rageur au piano, elle quitta d’un pas rapide la salle pour redescendre six étages. Alors qu’elle pénétrait dans l’infirmerie de mauvaise humeur, la seule chose qu’elle espéra fut que ce cher Melfire soit dans ses bons jours ; elle en avait suffisamment bavé pour la journée…

Le jour se levait à peine lorsqu’une masse enroulée dans une épaisse couverture tomba du lit sur lequel elle se trouvait. La masse en question marmonna quelque chose d’incompréhensible avant de tendre une main en dehors de la couverture pour tenter d’attraper le réveil qui se trouvait posé sur la table de chevet. Prenant l’objet entre ses doigts, la personne enroulée dans la couverture sorti un peu sa tête de la masse duveteuse pour regarder l’heure qu’il était. Beaucoup trop tôt. Mais pas assez pour pouvoir se rendormir. Finalement, après quelques instants de lutte mentale au sujet de retourner au lit ou non, Knota Melfire se décida enfin à se lever. Rejetant la couverture sur le côté, il se redressa en baillant, avant de passer sa main sur ses paupières, pour se remettre la vision en place. L’infirmier se redressa ensuite avant d’aller vers son armoire pour chercher ce qu’il allait mettre ce jour-là. Une heure, une douche et une séance d’habillage plus tard, le jeune homme était vêtu d’un grand, une taille au-dessus de la sienne visiblement, t-shirt blanc, d’un pantalon noir, ainsi que d’une cravate attachée de manière lâche autour de son cou. Bon, maintenant que ça s’était fait, autant passer à la suite. Knota mit quelques instants à réfléchir, tout en se regardant dans le miroir de sa chambre, une main jouant de manière négligée avec une mèche de ses cheveux bleus. Hum… Une journée comme la précédente, où il allait avoir à faire à des sales gamins et à faire semblant d’être ce qu’il n’était pas… Oui, c’était définitivement une journée grise, il n’était pas de bonne humeur du tout. Attrapant sa baguette magique, l’infirmier changea la couleur de ses cheveux, passant du bleu au noir, et celle de ses yeux faisant du cyan au gris.

Ça avait beau l’amuser de changer ainsi ses couleurs, c’était également un avertissement. Et un qui était assez direct. Peu de gens osaient généralement mal lui parler ou l’énerver lorsqu’il avait l’air d’un corbeau prêt à se fondre sur ses victimes. Pourtant, le jeune homme qui se tenait devant son miroir ne s’énervait jamais. Enfin, pas de manière directe en tout cas. Non, sa colère, il préférait la reporter dans son métier, même s’il n’irait jamais jusqu’à blesser un élève. Il ne fallait pas le voir comme un monstre non plus. Soupirant tout en chassant les mèches noires qui tombaient devant ses yeux, il alla enfiler ses chaussures ainsi que sa grande veste noire, mettant sa baguette dans la poche de cette dernière, avant de se diriger vers l’infirmerie. Il aimait bien cet endroit. Le silence qui y régnait, sauf lorsqu’un petit pleurnichard se faisait mal, était agréable. Honnêtement, Knota adorait son métier, mais il trouvait que ses patients n’étaient pas toujours très coopératifs.

A peine entré dans son antre, alors qu’il n’avait même pas encore retiré sa veste de ses épaules, les portes de l’infirmerie s’ouvrirent tandis que quelqu’un entrait. Affichant un air tranquille, pas si amical que ça mais pas méchant non plus, il se tourna vers son invitée. Kaya D. Wells. Étonnant. Elle qui semblait prendre son infirmerie pour un mini-dortoir privé. Oh, lorsqu’il avait les cheveux bleus et son faux air amical absolument parfait, Knota ne lui disait strictement rien. Mais en ‘mauvais mode’ comme disaient certains, il l’avait déjà viré plusieurs fois de la pièce sans même se soucier de ses plaintes. Non mais. Cependant, ce jour-là, l’infirmier semblait plus dans son monde qu’en colère, ce qui ne l’empêcha pas d’afficher un faux-sourire. Pas très grand, parce qu’ils n’étaient jamais très développés lorsqu’il était de cette humeur là mais tout de même.

« Bonjour Wells. Que me vaut ta visite de si bon matin ? »

Demanda t-il d’une manière assez polie, mais sans même s’en soucier. Tout en disant cela, il en profita pour enlever sa grande veste noire qu’il posa sur sa chaise de bureau, le laissant dans son t-shirt trop grand. Puis il se tourna de nouveau vers la demoiselle, attendant une réponse.

Soit. Merlin l’avait sans aucun doute prise en grippe. Trop Serpentarde pour qu’il accède à une simple demande sans aucun doute. Bah, peu importe. Merlin pouvait bien aller au Diable après tout. Elle jaugea l’infirmier du regard, considérant un instant ses cheveux noirs et ses yeux gris. Mieux valait qu’elle se fasse toute petite. Ça aurait été dommage qu’elle doive partir sans qu’il ait soigné ses doigts, ou au moins qu’il en ait aperçu l’état.

« Je viens vous donner du travail. » Lança la jeune fille en levant les mains devant elle.

Kaya aimait le silence, fait indiscutable. Seulement dans un château où les trois quarts des habitants étaient des adolescents, il devenait ardu de trouver un lieu sans aucun bruit. Elle avait déjà pensé aux salles de classe vides, mais les sièges et les tables n’étaient pas confortables et elle ne se sentait pas le courage de faire de la Métamorphose, même pour son propre confort. Il restait donc l’infirmerie et ses lits blancs inoccupés et elle eut tôt fait de s’y rendre, dès sa cinquième année. Evidemment, Melfire ne se privait pas de la chasser sans ménagement lorsqu’il était dans ses mauvais jours… Et elle pouvait bien tempêter tant qu’elle voulait, rien n’y faisait. Cependant, pour une fois qu’elle avait une raison valable de venir à l’infirmerie, il ne pouvait décemment pas la virer. Et puis c’était son travail non ? Soigner les élèves – et par la même occasion subir les jérémiades de ces pauvres petits qui ne supportaient la moindre blessure –.

« Piano. » Fut ensuite le seul mot qui sortit de sa bouche en guise d’explication.

S’il n’était pas à même de comprendre que l’instrument pouvait avoir un clapet et que le dit clapet lui avait écrasé les doigts… Et bien tant pis pour lui. Elle n’allait pas lui faire le plaisir de s’expliquer plus que nécessaire. Elle n’attendit pas qu’il lui fasse signe de s’asseoir, - après tout elle le faisait déjà d’elle-même sans être blessée -, et se posa sur un lit qui se trouvait juste à côté d’eux. Elle jeta un coup d’œil à ses doigts qui semblaient avoir doublé de volume entre le moment de l’accident et celui où elle les contemplait, soit environ une dizaine de minutes. Chose étrange, ils ne lui faisaient pas mal. Facteur lié au fait qu’elle ne les sentait plus du tout depuis un bon moment déjà… D’ailleurs, ça n’avait pas été facile d'ouvrir la porte de l’infirmerie, sans pouvoir bouger un seul doigt.

« Dites, si vous pouviez accélérer la cadence ça m’arrangerait vraiment… A moins que vous ne vouliez pas vous occuper de moi, auquel cas je me débrouillerai. »

Auquel cas elle se ferait un immense plaisir d’ajouter son grain de sel, en allant voir Dumbledore pour lui dire que ce cher Melfire laissait souffrir ses patients avec sadisme, et ce même si personnellement elle ne sentait aucune douleur… Dans le même temps, le jeune homme se mettrait vraisemblablement à la détester et lui interdirait l’accès de l’infirmerie, ce qui serait très problématique.

Lui donner du travail ? A croire qu’il n’en avait jamais… Bon, il était vrai que ce jour-là, elle était sa première cliente donc elle n’avait pas vraiment tort, mais tout de même. D’un autre côté, c’était un peu étonnant que Wells vienne pour se faire soigner. En effet, depuis le temps que la jeune serpentarde avait l’habitude de squatter son infirmerie, Knota n’avait quasiment jamais eu à la soigner de quoi que se soit. C’est sans doute ce qui fit que l’infirmier s’approcha de sa patiente qui tendait ses mains devant elle. En effet, à présent il comprenait mieux la raison de sa présence ici. Les mains de Kaya n’étaient pas très jolies à voir en tout cas. Les doigts avaient une grande marque rouge, signifiant sans doute qu’ils avaient été écrasés par quelque chose. Quoi ? Ca, il n’en savait rien. Avec des gestes tranquilles et un air concentré, Knota prit les mains de l’élève entre les siennes, doucement, juste pour mieux observer ce qu’elle avait. C’était assez enflé pour être inquiétant mais il songea qu’elle n’avait sans doute aucun os de cassé et que c’était déjà ça. D’un autre côté, ce n’était vraiment pas la pire blessure qu’il avait vu dans cette école. La palme d’or revenant à un cinquième année de poufsouffle qui s’était prit un cognard dans la main, se faisant presque arracher cette dernière sous le choc. Ca, Melfire s’en souviendrait sans doute toute sa vie. Il se félicitait d’ailleurs de ne pas travailler dans un hôpital, cette école n’avait presque jamais de cas graves.

Piano ? Le jeune infirmier lâcha les mains de Wells sans perdre son air tranquille, par contre son sourire revint sur ses lèvres en s’agrandissant de manière très légère et d’une manière légèrement plus sincère que d’habitude. Il déduisit que le clapet du piano avait du lui tomber sur les doigts, d’où la marque qu’elle avait sur ces derniers. Ce n’était pas de sa faute si cette demoiselle n’était pas très douée après tout. Par contre, le sourire de Melfire disparu dès qu’elle lui demanda d’accélérer la cadence de son rythme de travail. Les enfants étaient toujours si impatient. Tout en affichant de nouveau son air concentré, Knota ignora la jeune fille pour aller se poser devant des étages qui contenait des tas de pots de tailles et de couleurs différentes. Hum… Pour soigner les membres ayant subi un choc… L’infirmier, après quelques instants passés à observer l’étagère, tendit finalement une main vers l’extrémité droite de la troisième étagère où il attrapa un petit pot qui contenait une mixture jaune. Revenant vers Wells, il l’attrapa par le bras, sans lui faire mal, avant de la faire s’asseoir sur un lit, de prendre une chaise pour lui et d’ouvrir le pot. Une odeur de citron se répandit alors dans la pièce et Knota appliqua, avec une douceur étonnante de sa part, le baume sur les mains de la jeune fille, tout en tâchant de ne pas lui faire mal.

« La prochaine fois que tu me demandes d’aller plus vite, tu iras te faire soigner ailleurs. »

Expliqua t-il alors, de sa voix tranquille tout en continuant ce qu’il faisait. Il ne fallait pas le prendre pour un imbécile, non mais. Et puis, Melfire n’étant pas spécialement de bonne humeur, il n’avait pas l’intention de céder aux caprices de cette enfant si froide.

« Terminé. En théorie, tu seras guérie dans un quart d’heure, Wells. Cependant, j’aimerai que tu restes ici durant ce laps de temps, histoire que je surveille ta guérison. De toute manière, ça ne devrait pas te déranger puisque tu passes la moitié de ton temps libre ici.»

Le jeune homme se releva, refermant le pot avant d’aller le reposer à sa place puis il se lava les mains, histoire de ne pas sentir le citron toute la journée. Une fois que cela fut fait, il se mit à côté d’une des fenêtres du château, observant les gamins qui jouaient déjà dans le parc. Tout en passant sa main dans ses cheveux sombres, il posa une question à la jeune fille, sans la regarder.

« Tu jouais quel morceau ? »

Simple curiosité de la part de quelqu’un qui avait également joué du piano à une époque. Même sans en avoir fait beaucoup.

Une chance pour Kaya que Melfire ne lui tienne pas rigueur de ses propos… Elle avait parfaitement conscience que jouer avec le feu, notamment en compagnie de l’infirmier, lui apporterait sans aucun doute des ennuis, un jour ou l’autre. Mais il n’empêche qu’on ne change pas de vieilles habitudes, et cela s’appliquait évidemment dans son cas. Serpentarde un jour, Serpentarde toujours, n’est-ce pas… ? A cette pensée, ses lèvres s’étirèrent en un mince sourire orgueilleux, dont elle se départit tandis qu’elle laissait ses doigts aux bons soins du jeune homme. Plus vite il les soignerait, plus vite elle en retrouverait l’usage.

Force est de constater que les yeux et les cheveux qu’il arborait n’entachaient en rien la qualité et le sérieux de son travail. De toutes façons il aurait pu lui écraser les doigts qu’elle n’aurait rien senti… En tout cas l’espérait-elle. Il aurait été très malchanceux qu’elle redevienne sensible à la douleur, au moment où il s’appliquait à la faire souffrir un minimum… L’adolescente coupa court à ses réflexions, - au cas où Merlin aurait la subite envie de voir ce que cela donnerait si quelque chose dans le genre arrivait -, et reporta son attention sur Melfire alors qu’il lui appliquait un baume. Un parfum citronné lui chatouilla les narines qu’elle se surprit à apprécier, ainsi que la douceur avec laquelle s’affairait l’infirmier. Chose qu’elle ignora purement et simplement – tout comme sa remarque -, faisant preuve d’une mauvaise foi évidente.

Le jeune homme lui parla ensuite de nouveau et Kaya dut se faire violence pour ne pas répliquer quelque chose, quant bien même si ça n’avait rien d’une pique… Encore que cela restait à prouver. Aussi se contenta-t-elle de vriller un regard glacial sur son dos, tandis qu’il se lavait les mains. Puis, le quittant des yeux elle finit par s’installer un peu plus à son aise, bien décidée à ne pas lui adresser la parole jusqu’à ce que le quart d’heure soit passé. Néanmoins, il ne sembla pas vouloir lui laisser de répit puisqu’il lui posa une question, à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde. Melfire s’intéressait donc au piano… ? Bien malgré elle, il remonta légèrement dans son estime. De quelques millimètres seulement évidemment.

« Clair de Lune de Debussy. » Répondit-elle, d’un ton neutre.

Un moldu d’origine française, né au dix-neuvième siècle si ses souvenirs étaient exacts. Un des rares pour lesquels elle avait un tant soit peu d’admiration ; dû à son talent remarquable pour le piano, à n’en pas douter.

« A écouter si vous ne connaissez pas. » Crut-elle bon d’ajouter.

Il n’y avait aucune animosité dans ses paroles. Après tout, lorsqu’on évoquait son instrument préféré elle n’y voyait pas la moindre raison. Et ce, même si elle avait eu les doigts écrasés par un vulgaire clapet, quelques temps auparavant. De toutes manières, elle pouvait bien avoir une dent contre le dit clapet, ce n’était pas ce avec quoi elle jouait un morceau… Et il valait sans dire qu’elle pouvait difficilement haïr longtemps un piano. Au contraire d’un humain par exemple.

A quoi est-ce que cela servait ? De tenter de se mêler de la vie des élèves… Oh, à rien sans doute. Mais ça n’empêchait pas Knota de le faire à cet instant. Sans doute que l’infirmier se fichait de la vie de la plupart de ses patients, mais Kaya était un peu spéciale. Peut-être parce qu’ils se ressemblaient un brin. Enfin, elle avait un vague air de ressemblance avec ce qu’il avait été, quelques années auparavant… Mais sur certains points uniquement. A Poudlard, dans cette magnifique école où le jeune homme avait étudié, il était dans la maison des verts et argents également. Sauf que lui, il n’avait pas passé toutes ses études dans ce château magnifique. Avant d’arriver ici, il avait été à l’école magique de Suède. Un bon établissement… Où le jeune garçon avait été mit dans une maison égalant Serpentard. Ainsi, on comprenait mieux qu’il n’était pas vraiment quelqu’un de bien à la base. Sans tomber dans les stéréotypes au sujet de la magie noire et autres… Non, Melfire n’était ni un fou, ni un assassin, il se contentait juste de n’agir que pour lui même, écartant toute personne sur sa route avec un faux sourire et un coup en traître. Le passé de cet homme qui passait ses journées dans l’infirmerie était cependant inconnu à Poudlard et il était difficile d’apprendre quoi que se soit sur sa personne. Les paroles de Knota pouvant aussi bien être mensonge que vérité…

Cependant, alors qu’il jouait avec une mèche de cheveux noirs entre ses doigts, tout en continuant d’observer le paysage qu’il connaissait par cœur, il paraissait être juste neutre. Ce qui était assez étrange de la part d’un homme qui portait un masque de sourire en permanence ou presque. Peut-être, je dis bien peut-être, qu’il relâchait un brin sa garde avec cette enfant qui n’était guère plus jeune que lui… D’un autre côté, ses cheveux sombres et ses yeux grisâtres étaient la preuve de son désintérêt pour le monde ce jour-là… Même si personne ne savait si Melfire ne faisait pas semblant de s’intéresser à la vie. Si ça se trouve, il n’était qu’un mort qui imitait les vivants… Oh, cette rumeur idiote avait circulé, alors qu’il n’était qu’un étudiant, mais étrangement, elle avait vite disparu. Peut-être par son improbabilité évidente… Le regard du jeune homme se tourna alors vers l’adolescente, sans qu’il ne semble exactement la regarder. Il était un peu ailleurs à ce moment là visiblement. C’était souvent comme ça lorsque ses prunelles étaient vides de couleur.

« Je connais. »

Voilà quelle fut la simple réponse de Knota. Semblant un peu se reconnecter à la réalité, il attrapa la chaise de son bureau pour s’asseoir derrière ce dernier. Quelques papiers, rapports médicaux, étaient empilés. Mais dans l’ensemble, il y avait encore pas mal d’espace. Sortant sa baguette de la poche de sa veste, celle qui traînait, il murmura un sort à mi-voix tandis que deux tasses de thé apparaissaient sur le meuble de bois. Knota prit la première entre ses mains, après avoir tenté de remonter la manche de son haut qui découvrait son épaule. La chaleur de la tasse faisait du bien mais le jeune homme ne sourit pas, se contentant de regarder l’adolescente, aussi directement que possible.

« Tu pourras prendre une tasse, si tu le veux bien sûr, lorsque tes mains iront mieux… »

Proposa t-il, sur un ton tranquille. Quelle étrange adolescente. Toujours si froide, si renfermée… Une véritable princesse de glace. Cependant, le suédois se fichait pas mal de ce qui l’avait rendu ainsi. Ce n’était pas ses affaires et il n’avait que faire de la vie des autres. Il ne fallait pas trop lui en demander non plus. Pourtant, ce jour-là, celui qui ne disait jamais le moindre mot à propos de son existence, décida de poursuivre la conversation. Par ennui sans doute, dénué de véritable raison pour s’exprimer.

« J’ai joué un peu de piano… Il y a quelques années… Et puis, j’ai du abandonner. Je n’étais qu’un débutant à l’époque.»

Il n’expliqua pas le pourquoi du comment. Ce n’était qu’un détail insignifiant qui ne comptait guère selon lui. Et l’infirmier un brin étrange bu quelques gorgées du thé au citron brûlant qu’il tenait entre ses mains, sans même cligner ses yeux gris. Il ne parla même pas de sa passion à lui, le dessin. Peut-être plus tard dans la conversation. Peut-être pas. Est-ce que leur vague échange de mots était une conversation déjà ?

C’est étrange comme malgré l’apparence que se donnait Melfire, il y avait parfois ce sentiment qui émanait de sa personne… Une sorte de mélancolie. Peut-être était-ce son esprit qui se hasardait un peu trop ces temps-ci. Peut-être qu’elle avait gardé plus de séquelles qu’elle ne l’imaginait, hormis des doigts rouges et boudinés évidemment. Mais il n’empêche qu’elle discernait quelque chose sous ses sourires perpétuels. Quelque chose de très flou, certes. Néanmoins, en creusant… Qui sait ce qu’elle pourrait découvrir ? Il y a des choses qu’il vaut mieux ignorer… Lui chuchota doucement sa conscience. Une simple phrase qui, mots pour mots la ramena un court instant, six ans en arrière. A une époque où les cris de ses parents berçaient lentement le rythme de ses journées et durant laquelle elle aurait pu revoir ne serait-ce que quelques secondes le visage de son père, si elle en avait eu l’envie. Aujourd’hui ne lui restait qu’un vague souvenir des traits et du timbre de son paternel… Rien de moins qu’un fantôme du passé. L’adolescente n’avait jamais cherché à comprendre. Trouver des réponses, interroger sa mère ne lui serait d’aucune utilité ; elle ne le savait que trop. C’est à peine si Ozalee adressait la parole à sa propre fille… Ne régnait désormais que le silence dans la demeure des Wells.

Impassible, Kaya retrancha de telles pensées au fond de son esprit, là où elles ne sortaient que très peu d’ordinaire. Remuer le passé n’était décidément pas une bonne idée et à choisir, elle préférait ne rien savoir sur l’infirmier. Elle ne prendrait pas le risque de découvrir quelque chose de déplaisant. Après tout, n’avait-il pas été à Serpentard lui aussi ? Elle se fichait pas mal de ce que l’on pouvait raconter sur ceux de sa maison – notamment qu’ils étaient tous le stéréotype même du méchant petit sorcier qui adore martyriser les premières années – mais comme dans tout, il y avait parfois une part de vérité… Qui sait. La voix du jeune homme lui fit reprendre brusquement pied à la réalité. Jusqu’alors debout près de la fenêtre, elle le vit s’installer à son bureau et faire apparaître deux tasses de thé à l’aide d’un sort. L’une lui était sans aucun doute destinée, ce qu’il lui confirma d’ailleurs par la suite. Quand ses mains iraient mieux, avait-il dit. Son regard gris se posa de nouveau sur les concernées. Délicatement, elle fit bouger ses doigts, ou du moins tenta et réprima un soupir tandis que des picotements les parcouraient. Elle n’arrivait qu’à les plier légèrement ce qui, malgré son agacement, était déjà un grand pas en soi. Elle en retrouverait un usage correct dans quelques minutes très certainement… Aussi reporta-t-elle son attention sur Melfire, lequel lui apprit qu’il avait joué un peu de piano à l’époque, mais qu’il avait dû abandonner. Il n’était qu’un débutant.

« Je sais pertinemment que le courage n’est pas une des principales qualités des Serpentards, mais n’est-ce pas un acte lâche que d’avoir abandonner ? »

Il n’y avait là aucune provocation dans ses paroles ; ce n’était à vrai dire qu’une simple constatation. N’était-ce pas vrai ?

« Je ne sais pas pourquoi vous avez laissé tomber, et à vrai dire je me fiche pas mal d’en connaître la raison… Mais ce que je peux vous dire c’est qu’il y a toujours moyen de persévérer et de devenir plus qu’un débutant. »

Accrochant son regard, elle le soutint sans fléchir. Elle n’avait pas la prétention de vouloir lui faire la morale, loin d’elle cette idée. Non, elle énonçait juste un fait qu’elle avait longtemps mis en pratique, et encore aujourd’hui. De plus, la jeune fille s’exprimait toujours avec franchise, et ça, ça n’était pas prêt de changer.